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• LE MONDE | 04.10.01 | 12h45
Le charme absolu de Cecilia Bartoli et Simon Rattle
Papier daté du 04.08.1999
SALZBOURG de notre envoyé spécial
Une soirée Haydn est toujours une excellente nouvelle -
surtout lorsque Simon Rattle est annoncé, qui y excelle. On se réjouissait
de retrouver le chef britannique, une semaine après des Boréades décevantes
( Le Monde du 29 juillet), mais on craignait de réentendre l'Orchestre de
l'Age des Lumières, très peu à son avantage dans la très difficile (techniquement
et stylistiquement) musique de Rameau.
Quelques mesures de la Symphonie en sol de Haydn et nos craintes
s'évanouissent. Les cordes ont retrouvé leur substance, les contrebasses
n'ont plus cette sonorité grasse et comme distincte du reste (elles étaient
placées le long du mur droit de la scène ; cette fois, elles sont à gauche,
en haut de podium), les cors sont parfaits et les bois domestiqués, même
si l'on peut rêver hautbois moins filiformes... Le Philharmonique de Vienne
n'est pas toujours à la hauteur de sa réputation (lire ci-dessus) et l'on
peut comprendre qu'une formation d'instruments anciens jouant Haydn et Rameau
en alternance n'ait pas toujours l'homogénéité et la rondeur de sons adéquats.
Et pourtant, les violons assurent parfaitement
les quelques redoutables acrobaties que leur impose Haydn et savent être
lyriques. On se laisse émouvoir par le Largo de cette symphonie où le hautbois
et le violoncelle solo chantent de concert sur un fond d'accompagnement sveltement
et librement dirigé par Rattle. Tout l'inverse du très académique résultat
artistique obtenu par Christoph von Dohnanyi à la tête de l'Orchestre de
Paris, voici deux saisons, dans la même symphonie... Il suffirait de comparer
ce qu'ils font de l'incroyable Menuet : une lecture à multiples niveaux,
impeccable et humoristique, paysanne mais revue par le salon pour le Britannique,
un pensum balourd et univoque pour l'Allemand qui croit encore au "papa Haydn"
en gros sabots. UN CHANT IMPECCABLE
On ne se serait pas souvenu de Dohnanyi dans cette
symphonie s'il ne venait de diriger, à Salzbourg, la reprise de La Flûte
enchantée, montée par Achim Frayer, et n'avait compromis la légèreté merveilleuse
de cette production. Dohnanyi, dans ce répertoire - et, hélas !, dans beaucoup
d'autres - est le symbole absolu de ces chefs intransigeants et totalement
décalés avec leur époque. Au moins, en leur temps, les géants du pupitre
impressionnaient autrement... Si on le compare à Klemperer, voire à Böhm,
Dohnanyi n'est qu'un roseau peint en fer, selon cette savoureuse expression
qui va comme un gant à ce chef plus sec que rythmique. Une guest star de charme et de poids venait compléter
le programme orchestral : Cecilia Bartoli, qu'on a croisée à bicyclette dans
Salzbourg, tellement elle-même qu'on l'avait d'abord prise pour une touriste
sportive... Sur scène, elle est toujours elle-même, c'est-à- dire les personnages
qu'elle incarne. C'est une colonne d'air en pure vibration, un chant impeccable
qui risque tout pour et par l'émotion, une virtuosité qui semble l'étonner
elle- même et fait crouler de bonheur la salle. Comme Rattle, elle a l'insouciante
insolence du talent inné, incontestable et dévastateur. Le charme absolu.
Renaud Machart
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